Ariane 6 : Du russe Roscosmos à l’américain Amazon

Sanctionnée économiquement en février 2022 par l’Europe du fait du conflit russo-ukrainien, Moscou, par la voix de Dmitri Rogozine directeur de Roscosmos, a décidé de ne plus permettre l’exploitation de son lanceur Soyouz implanté au CSG (Centre Spatial Guyanais) à Kourou. Une alternative à cet arrêt catastrophique pour l’institution européenne spatiale semble avoir été trouvée : Amazon, nouveau partenaire

Le Centre Spatial Guyanais, fer de lance technologique de l’Europe spatiale

Pour rivaliser avec ses concurrents mondiaux, pour enrichir les avancées technologiques de sa recherche & développement, une collaboration internationale a été signée en 2002 entre l’Agence Spatiale Européenne (ASE ou ESA) et l’Agence Spatiale Russe, Roscosmos. En effet, le lancement-test concluant du lanceur Soyouz depuis la Guyane, le 21 octobre 2001, avait permis d’arrimer dans l’espace les deux premiers satellites européens Galiléo IOV (In Orbit Validation) à la constellation(1) spatiale dédiée. L’entente avec Moscou complétant alors l’offre de services de l’ASE a été actée.

Lanceurs de l'ESA : De Vega à Ariane 6. Ici les deux versions d'Ariane 6. La version à deux boosters (Ariane 62 ou AR 62) et celle à quatre boosters (Ariane 64 ou AR 64). © ESA, D. Ducros

Arianespace SAS, elle, est la société française créée pour commercialiser et exploiter les systèmes des lanceurs civils européens : Ariane 5, Soyouz, Véga et prochainement Ariane 6 et Véga C. Elle planifie la mise en orbite des satellites destinés à l’internet de haut débit. Elle avait déjà des commandes arrêtées.

L’ASE et Arianespace SAS en panne de moteurs

Soyouz en France permettait de compétir notamment avec les lanceurs américains de SpaceX dont le Falcon 9. Il assurait les lancements annuels des quatre « fusées » des institutions européennes ainsi que ceux d’autres client.es. Soyouz était l’engin le plus adapté pour ces voyages en orbite basse soit environ à 600 km d’altitude au-dessus de la Terre (l’équivalent de 2000 Tour Eiffel superposées). Pour assurer ces prestations, Arianespace SAS exploitait, d’un commun accord, le lanceur Soyouz. Mais jusqu’à peu, ça a coincé.

Les client.es des satellites Galiléo, Oneweb(2) et autres européens sauraient-ils patienter ?

Coup de théâtre : "la plus grande acquisition commerciale de lanceurs de l'histoire" dixit Amazon

Désormais les client.es pourront se trouver une place sur le carnet de commande d’Arianespace SAS puisqu’aujourd’hui réouvert. En effet, le 5 avril 2022, un nouveau partenariat avec le géant américain de la vente en ligne créé par Jeff Bezos assure au nouveau lanceur Ariane 6 d’effectuer 18 tirs au lieu des 11 prévus : "un grand moment dans l'histoire" de la société selon son président exécutif, Stéphane Israël.

« La fourniture de services de lancement de charges lourdes dans le cadre du Projet de la constellation Kuiper » désormais financé par Amazon permettra à l’ASE de mettre en orbite 35 satellites par lancement pour une prévision de 6 tirs par an sur trois ans.

Ce géant qui diversifie largement le champ de ses activités économiques a prévu de positionner pas moins de 3236 satellites en 5 ans. Et ce, sans compter ceux déjà existants et à venir depuis d’autres opérateurs spatiaux.

L’aura de Amazon

(c) AmazoninSpace.width-358_DCD SpaceX

Amazon est accusé, notamment par des ONG, des députés français et européens, de passer les mailles de l’évasion fiscale. Par Attac, les Amis de la Terre, Droit au Logement et l’Union Syndicale Solidaire d’avoir un impact désastreux sur l’Environnement. Également de destruction d’emplois et de conditions de travail des salarié.es déplorables selon la note d’analyse d’un ancien député français en charge du numérique. De gâchis à la vue de la destruction de ses invendus. Enfin d’étouffer par ses pratiques de promotions inégalables et d’exercice commercial les commerces physiques dixit le Syndicat de la Librairie française, la ministre de la Culture, … etc.

Même férocement rabroué sur Terre, l’Europe spatiale dont la France ne semble pas particulièrement s’émouvoir de ces tares.

La pollution exponentielle terrestre se verra t’elle reproduite dans l’espace avec la même aisance malgré la catastrophe climatique à nos portes ? L’horizon du défi européen de conquête spatiale mondiale(3) ne peut-il que mettre un voile sur certains intérêts en jeu par rapport à d’autres ? Peut-on convenir aussi aisément d’une telle collaboration sans entendre les palpitations de la planète ?

Et si le désaccord géopolitique franco-russe avait signé la première guerre … spatiale ?

Apparaît aussi sur le site La Lucarne

https://ateliercst.hypotheses.org/11527

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(1) zone formée par l’agglutination de satellites mis en orbite

(2) ex WorldVu, mégaconstellation de 650 satellites de télécommunication de 150 kilo circulant sur une orbite basse permettant l’accès à l’internet à haut débit dans les régions mal desservies par les liaisons terrestres. Elle devrait atteindre 6372 satellites selon l’étude en cours

(3) Algérie et Guyane : Spots de l'histoire du Spatial français _ https://lamediacuscitech.wixsite.com/gwankarayib-e-sud/post/algerie-et-guyane-spots-de-l-histoire-du-spatial-francais

Sources :

https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/acces-espace-conflit-ukraine-russie-suspend-utilisation-soyouz-depuis-kourou-marque-point-97007/

https://www.sciencesetavenir.fr/espace/internet-spatial-contrats-geants-d-amazon-avec-trois-lanceurs-dont-ariane-6_162701