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Ca. (california) Thiomargarita magnifica, la plus grande bactérie du monde vient de Guadeloupe

Il y a déjà bien une bonne quinzaine d'années que cette information a été révélée par des équipes de recherche universitaire du campus de Fouillole, en Guadeloupe. Elle réapparaît de temps à autre, mais pourquoi donc ? Pourquoi s'en occuper ? Que faire de cette information ? Quelles incidences sur nos vies, sur le développement du vivant ?


Image de microscopie légère et modèle proposé pour l’organisation sub-cellulaire dans Thiomargarita magnifica. © Volland et al, 2022


Que dit la Science ?

"Le « Séquençage récent d'un certain nombre de gènes d'ARNr 16S de grandes bactéries soufrées » a permis de confirmer certaines lignées phylogénétiques et d’en concevoir d’autres clairement apparentées et donc constituant une autre lignée. Systematic and Applied Microbiology

Volume 34, Issue 4, juin 2011 , Pages 243-259


C'est ainsi que l'on comprend que, en microbiologie, l'utilisation de critères morphologiques seuls pour prédire la parenté phylogénétique s'est souvent avérée trompeuse.

Serait-ce à dire que, en matière de connaissance du monde bactérien, tout est à remettre, au moins, en perspective ?

En tout cas, notre regard sur l'évolution de la vie ne peut qu'être requestionné.


En effet, certaines bactéries pourraient alors s’avérer plus complexes que prévu remettant en question les concepts traditionnels de cellules bactériennes. Elles permettraient également d’expliquer l’évolution de simples cellules en cellules complexes.


Cette bactérie-ci pourrait alors représenter le chaînon manquant dans l’évolution des cellules complexes


De Thiomargarita namibiensis(1) à Thiomargarita « magnifica » : Comment en est-on arrivé là ?

La plus grosse macro-bactérie était : Thiomargarita namibiensis ("la perle de soufre de Namibie"). Elle détenait le record de la plus grande bactérie jamais découverte, avec une taille pouvant atteindre 750 micromètres (taille moyenne : 180 µm). Elle fût découverte en 1997, au niveau du plateau continental, dans certains sédiments des côtes namibiennes.

(A) La flèche blanche pointe vers une seule cellule de Thiomargarita, de 0,5 mm de large, qui brille en blanc à cause des inclusions internes de soufre. Au-dessus, il y a une partie vide de la gaine, où les deux cellules voisines sont mortes. La cellule a été photographiée à côté d'une mouche des fruits (Drosophila viriles) de 3 mm de long pour donner une idée de sa taille.


Il y a environ 10 ans, de minces filaments intriguant poussant sur des feuilles de palétuviers en décomposition dans la Mangrove des Caraïbes ont été prélevés et analysés. Ce n’est que 5 ans plus tard que son découvreur, Olivier Gros, biologiste marin à l’université des Antilles (Guadeloupe), et ses collègues ont réalisé que ces organismes étaient en fait des bactéries uniques en leur genre. De la famille des Thiomargarita elle a pris le qualificatif de « magnifica » du fait de sa grande taille.

Pour attester que ces filaments de palétuviers étaient constitués d’une seule cellule, donc bien des bactéries, ils ont utilisé diverses méthodes de microscopie et de coloration.

Mangrove bord de mer : ses racines aérifères permettent aux palétuviers d'effectuer à l'air libre des échanges gazeux (c) S . Lardeux/ONF


Avant d'aller plus loin, que sait-on ?


Rappel : Qu’est-ce qu’une bactérie ?

Il y en a deux types :


- Les archaebactéries communément appelées procaryotes qui vivent dans des conditions extrêmes (fortes chaleurs, gaz toxiques). Sont probablement les plus anciennes sur terre. Les procaryotes (bactéries et les archées) sont les organismes les plus divers et les plus abondants sur Terre.



- Les eubactéries sont celles que nous évoquons lorsque nous parlons de bactéries aujourd’hui. Se retrouvent dans, sur le corps humain, les aliments : presque partout. Pour l’heure nous garderons le terme procaryote pour faciliter la compréhension.


Outre cette différence de typologie, c’est un micro-organisme ubiquiste donc, unicellulaire, sans noyau à proprement parlé. Il est constitué d’une capsule (barrière) sertie d’appendices (pili), d’une paroi, d’une membrane. Il peut avoir un flagelle. A l’intérieur existe du matériel génétique composé d’ADN avec un unique chromosome circulaire. Autour de lui, dans le cytoplasme (liquide composé d’eau et de protéines), peuvent graviter des plasmides (petits morceaux d’ADN circulaire) et des ribosomes (les « usines de production » des protéines). De forme diverse, il mesure en général entre 0,5 et 10-15 μm (μm = micron = millionième de mètre)


In fine, T. magnifica est donc une eubactérie, disons plus proche du procaryote


Ca. « Thiomargarita magnifica » pourquoi ?

« Ca. » pour Californie puisque c’est une équipe de chercheur.euses américain.es qui a repris et poursuivi l’étude avec certes une collaboration de l’Université des Antilles du campus de Fouillole (Guadeloupe), de Paris Sorbonne, d’une équipe du CNRS et un département universitaire de New-York.


 

Eléments clés de cette exception microbiologique

- Les cellules bactériennes mesurent en règle générale entre 2 µm de long. Les plus longues peuvent atteindre 750 µm Ca. TM mesure 9 000 µm et est donc visible à l’œil nu !

- compartimentation du matériel génomique

- la synthèse des protéines s'effectue dans les organites liés à la membrane


 

Quelques caractéristiques de Ca. TM

Pour pousser à la curiosité, voici, quant aux procédés exploités, un décryptage de quelques éléments d'études de cette bactérie


A l'OEIL NU !

Elle est tellement grande et singulière par son aspect filiforme qu’elle est visible à l’œil nu pouvant atteindre jusqu’à 2 cm de long : Plus grande qu’une mouche domestique !

Morphologie et ultrastructure de Thiomargarita magnifica.

A : Comparaison de la taille de certains systèmes modèles bactériens (vert) et eucaryotes (bleu) sur une échelle logarithmique.

© Volland et al, 2022


AU MICROSCOPE OPTIQUE

Vue sous microscope optique, en rendu 3D ou par fluorescence, nous pouvons nous rendre compte de sa taille particulière pour une bactérie

Morphologie et ultrastructure de Thiomargarita magnifica.

B : Montage en microscopie optique de la moitié supérieure d’une cellule de T. magnifica, avec une partie basale cassée révélant une morphologie tubulaire due à la grande vacuole centrale et aux nombreux granules de soufre intracellulaires sphériques (un tardigrade est représenté à l’échelle).

C : Rendu 3D de cellules segmentées de HXT (Films S1, S2 et S6) et CLSM (Film S3), supposément à différents stades du cycle de développement. De gauche à droite, les cellules rendues en 3D sont les cellules D , B , F , G et D . Notez que la plus petite étape correspond à la cellule D segment terminal et a été ajouté à gauche à des fins de visualisation.

D : observation CLSM de la cellule K après marquage fluorescent des membranes avec FM 1-43x montrant la continuité de la cellule depuis le pôle basal jusqu'à la première constriction complète à l'extrémité apicale.

© Volland et al, 2022


GENOME

Autre particularité biologique qui en fait une entité unique en son genre, c’est qu’elle possède un grand génome qui ne circule pas à l’intérieur de la cellule comme le devrait mais enfermé dans deux sacs membranaires : l’un avec l’ADN (« organite »), l’autre rempli d’eau (la « vacuole »). Exactement comme nos cellules d’humains.

Son matériel génétique quant à lui est composé de 11 millions de bases et environ 11 000 gènes ; presque trois fois plus que la plupart des génomes bactériens.



A. Arbre phylogénétique du génome avec des informations supplémentaires sur la qualité du génome (rouge : faible qualité, orange : qualité moyenne et jaune : haute qualité ( 40 )), le niveau estimé d'exhaustivité, la taille de l'assemblage, le nombre de CDS et le pourcentage de séquence dédiée à la biosynthèse grappes de gènes (BGC). Le motif 1 correspond au "groupe de gènes complet pour la division cellulaire des bactéries modèles". Le motif 2 correspond à « les gènes mreD , mrdA et rodZ sont dupliqués ».


SEQUENCE D'ADN

En utilisant des marqueurs fluorescents sur l’ADN, les chercheurs ont réalisé qu’il y a en fait plus de 500 000 copies des mêmes séquences d’ADN

Caractérisation des organites pépines par Hybridation In Situ Fluorescente (FISH) et Microscopie Electronique à Transmission (MET) corrélative ainsi que coloration membranaire et ADN.

A > D : Pépins (flèches) dans le cytoplasme de Ca . T. magnifica (classe gammaproteobacteria) sont marqués avec la sonde bactérienne générale EUB marquée avec Alexa Fluor® 488 (A, vert), la sonde spécifique gammaproteobacteria Gam42a marquée avec Cy3 (B, jaune), Thiomargarita-sonde spécifique Thm482 marquée avec Cy5 (C, rouge) et avec DAPI (D, bleu)


Ils ont même retrouvé des ribosomes à l’intérieur du sac d’ADN.

Caractérisation des organites pépines par Hybridation In Situ Fluorescente (FISH) et Microscopie Electronique à Transmission (MET) corrélative ainsi que coloration membranaire et ADN.

E : TEM d'une coupe mince en série consécutive à la coupe semi-mince utilisée pour le FISH. Les pépines positives FISH et DAPI apparaissent sous forme d'organites denses aux électrons sous TEM. F et G : Pépins (de E) sous un grossissement supérieur ; les pépines sont délimitées par une membrane (têtes de flèches) et contiennent de nombreux ribosomes qui se présentent sous la forme de petits granules denses aux électrons.


LA CELLULE

La cellule est compartimentée comme chez les eucaryotes -pluricellulaires-

Morphologie et ultrastructure de Thiomargarita magnifica.

E : Montage TEM de la constriction apicale d'une cellule, avec le cytoplasme contraint à la périphérie.

F : Grossissement supérieur de la zone marquée en E, avec des granules de soufre et des pépins à divers stades de développement.

G : Grossissement supérieur de la zone marquée en E montrant deux pépins (pointes de flèches). S : granule de soufre ; V : vacuole.

© Volland et al, 2022


CELLULE ET MEMBRANE

Elle est aussi très proche de la membrane, ce qui remet en question les concepts traditionnels même des cellules bactériennes.

Caractérisation des organites pépines par Hybridation In Situ Fluorescente (FISH) et Microscopie Electronique à Transmission (MET) corrélative ainsi que coloration membranaire et ADN.

H et I : Marquage fluorescent des membranes à l'aide de FM 1-43x (H) et d'ADN à l'aide de DAPI (I) sur une section transversale d'une cellule. Les pépines marquées au DAPI sont également marquées avec le colorant FM 1-43x confirmant la présence d'une membrane. J et K : Grossissements supérieurs de la zone délimitée par le rectangle blanc en H et I


Voici donc ici explicité les éléments qui pourraient expliquer un intérêt quant à cette découverte et ses avancées.

Puisqu'existe une récurrence sur ce sujet de recherche, je ne manquerais pas de rester en veille afin de connaître les avancées ultérieures permettant de mieux comprendre les cellules complexes nous entourant. Les conséquences ne seront palpables qu'une fois les éclaircies plus signifiant.


A suivre donc !




(1)

https://www.researchgate.net/figure/Thiomargarita-namibiensis-A-The-white-arrow-points-to-a-single-cell-of_fig1_256460522



Equipe de recherche

  1. Jean-Marie Volland 1 2 * ,

  2. Silvina González-Rizzo 3 ,

  3. Olivier Gros 3 4 ,

  4. Tomas Tyml 1 2 ,

  5. Natalia Ivanova 1 ,

  6. Frédéric Schulz 1 ,

  7. Danielle Goudeau 1 ,

  8. Nathalie H Elisabeth 5 ,

  9. Nandita Nath 1 ,

  10. Daniel Udwary 1 ,

  11. Rex R Malmström 1 ,

  12. Chantal Guidi-Rontani 6 ,

  13. Susanne Bolte-Kluge 7 ,

  14. Karen M Davies 5 ,

  15. Maïtena R Jean 3 ,

  16. Jean-Louis Mansot 4 ,

  17. Nigel J Mouncey 1 ,

  18. Esther Angert 8 ,

  19. Tanja Woyke 1 * et

  20. Shailesh V Date 2 9 10 *


  1. 1 Department of Energy Joint Genome Institute, Lawrence Berkeley National Laboratory , Berkeley, Californie, États-Unis

  2. 2 Laboratoire de Recherche sur les Systèmes Complexes , Menlo Park, CA, USA

  3. 3 Institut de Systématique, Evolution, Biodiversité, Muséum National d'Histoire Naturelle, CNRS, Sorbonne Université, EPHE, Université des Antilles. Campus de Fouillole , Pointe-à-Pitre, France

  4. 4 Centre Commun de Caractérisation des Matériaux des Antilles et de la Guyane. Université des Antilles, UFR des Sciences Exactes et Naturelles , Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, France

  5. 5 Département de biophysique moléculaire de l'énergie et de bioimagerie intégrée, Lawrence Berkeley National Laboratory. Berkeley , Californie, États-Unis

  6. 6 Institut de Systématique, Evolution, Biodiversité CNRS UMR 7205, Muséum National d'Histoire Naturelle , Paris, France

  7. 7 Sorbonne Universités, UPMC Univ. Paris 06, CNRS FRE3631, Institut de Biologie Paris Seine , Paris France

  8. 8 Cornell University, College of Agriculture and Life Sciences, Department of Microbiology , Ithaca, NY, USA

  9. 9 Université de Californie à San Francisco , San Francisco, Californie, États-Unis

  10. 10 Université d'État de San Francisco, San Francisco, Californie, États-Unis



SOURCES /

Flood, Fliss, Jones et Dick, « Single-Cell (Meta-)Genomics of a Dimorphic Candidatus Thiomargarita nelsonii Reveals Genomic Plasticity », Frontiers in Microbiology, vol. 7,‎ 1er janvier 2016, p. 603 (PMID 27199933, PMCID 4853749, DOI 10.3389/fmicb.2016.00603)




REFERENCES /

Références doi : https://doi.org/10.1101/2022.02.16.480423https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2022.02.16.480423v1.full

Pré impression ou littérature grise

Déclaration d'intérêts concurrents : SVD est également PDG de Sample Exchange



ANNEXES /

Les grandes bactéries soufrées incolores sont bien connues en raison de leur apparence, de leur taille et de leur abondance intrigante dans les milieux sulfurés. Depuis leur découverte en 1803, ces bactéries ont été classées en fonction de leur morphologie remarquable


Les bactéries photosynthétiques font partie des formes vivantes actuellement les plus primitives sur le plan métabolique. Les bactéries photosynthétiques sont classées en trois grands groupes : les bactéries soufrées violettes (Thiorhodacées), les bactéries soufrées vertes(Chlorobacteriaceae) et les bactéries violettes et brunes non soufrées (Athiorhodaceae). Ces bactéries dépendent de la présence de donneurs d'électrons externes, tels que le soufre réduit et/ou les composés organiques, et prospèrent dans les sols humides et boueux, les étangs, les rivières, les lacs, les sources de soufre et les environnements marins.



Deux ouvrages sont d'une grande importance internationale et sont considérés comme les ouvrages de référence taxonomique pour l'identification, la dénomination et la classification des bactéries :


- Le Bergey's Manual of Determinative Bacteriology a été publié pour la première fois en 1923 sous les auspices de la Society of American Bacteriologists (…) est ainsi le premier ouvrage « moderne » de classification bactérienne (…) Il a permis d'uniformiser la nomenclature bactérienne[4] et de fournir un outil d'identification des bactéries en fonction de leurs attributs structurels et fonctionnels en les organisant dans des ordres familiaux spécifiques avec des souches types de chaque espèce.


- Le Bergey's Manual of Systematice Bacteriology issu du premier est devenu depuis 1974 plus empirique et est désormais la principale ressource taxonomique pour déterminer l'identité des organismes procaryotes, en mettant l'accent sur les espèces bactériennes, en utilisant chaque caractéristique décrite


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